mercredi 22 octobre 2008

Les chantiers du troisième président de la République du Cameroun

Une fois l’actuel président de la République du Cameroun parti, quelle sera la tâche à laquelle devra s’atteler son successeur ?

Après Paul Biya, que faudrait-il faire ? Naturellement établir un audit de sa gestion. En 2011, cela fera exactement 29 ans qu’il se sera trouvé au pouvoir. On ne peut ne pas, si l’on désire repartir d’un bon pied, dresser un état du Cameroun. En conséquence, un audit, quoi de plus classique ? Normalement, il aurait fallu en établir un lors du passage du pouvoir d’Ahmadou Ahidjo à Paul Biya, en 1982. C’est ainsi que les choses se déroulent dans les grands pays. Il y a eu un audit après Valéry Giscard d’Estaing, lorsque François Mitterrand lui succédait. Il y en a eu un autre, après ce même François Mitterrand, lorsque Jacques Chirac lui succédait. Donc rien de surprenant à cela. C’est plutôt le contraire qui l’est. Faute de ne l’avoir pas fait, Paul Biya se retrouve, aujourd’hui, sans voix, face aux accusations nombreuses des Camerounais portant sur le thème « Ahidjo avait laissé un pays économiquement sain, Biya est venu tout détruire ». S’il avait établi un audit, en bonne et due forme de la gestion de son « illustre prédécesseur », il aurait, très probablement, de quoi réponde aujourd’hui. Malheureusement pour lui, il avait plutôt déclaré : « mon prédécesseur n’a pas failli, je ne faillirai point ! ». Traduction : son prédécesseur a réussi, il s’engage à faire autant. Mais, une fois un audit de la gestion de Paul Biya effectué, il faudra bien se lancer dans des réformes. Sur quoi porteront celles-ci ?

REDORER LE BLASON DU CAMEROUN

On ne le dira jamais assez, l’image du Cameroun, à travers le monde, n’est pas des plus reluisantes actuellement. Dès que l’on évoque le nom de notre pays, en cœur, les gens crient : « pays le plus corrompu de la terre ! ». C’est tout dire. Redorer l’image du Cameroun est un vaste chantier. Celui-ci part de la diplomatie, à la gestion interne du pays. Il va sans dire que tant que le niveau de corruption qui caractérise le Cameroun n’aura pas régressé, notre image, sur le plan international, sera toujours abominable. De même, si nous sommes systématiquement absents aux sommets qui se déroulent en Afrique, et sommes éternellement les premiers à arriver aux sommets qui se déroulent en Europe, en Amérique, et en repartons les derniers, notre image n’évoluera pas non plus. Toujours dans le même esprit, si le nouveau chef d’Etat reconduit la fâcheuse manie qui est celle de celui-ci et qui consiste à disparaître, tous les deux mois, en Suisse, en « voyages privés », ou à disparaître, pendant un mois entier, toujours en Suisse, après chaque visite officielle, l’image du Cameroun ne s’améliorera nullement. Notre chef d’Etat continuera à être qualifié, à l’étranger, de « chef d’Etat émigré ». Les mauvaises langues continueront à prétendre qu’il s’est déjà doté d’une carte de séjour helvétique. Enfin, l’image du pays, à l’étranger, dépend aussi, en grande partie, de sa force de frappe, du caractère redoutable, ou non, de son armée. Malheureusement, sur ce plan, l’armée camerounaise ne fait guère peur à qui que ce soit. Elle n’a fait que reculer, systématiquement, devant celle du Nigeria qui avait envahi notre territoire. Conséquence, aujourd’hui, tous nos voisins la méprisent royalement, la traitent « d’armée de femmelettes ». Ils savent qu’elle est aux mains d’une équipe de vieillards totalement gagas.

DOTER LE CAMEROUN D’UNE CLASSE POLITIQUE AUTHENTIQUE

Le second grand chantier que devra réaliser le troisième président de la République, sera, à n’en pas douter, celui qui consistera à redonner ses lettres de noblesses aux hommes politiques. Au lendemain de la proclamation de l’indépendance, Ahmadou Ahidjo avait systématiquement mis, à l’écart, tous les hommes politiques camerounais, et ne s’est mis à nommer, aux postes politiques, que de petits chefs de services, conseillers techniques et autres directeurs de ministères. Cela a comporté l’avantage de n’avoir, en face de lui, que des adulateurs craintifs et zélés, à savoir de petits fonctionnaires qui lui doivent tout. Mais, en contrepartie, le Cameroun s’est retrouvé avec, au sommet de l’Etat, de piètres individus, certes parfois bardés de diplômes, mais qui ne nourrissaient aucun dessein véritable pour le pays. En leur qualité de fonctionnaires, ils n’avaient qu’une idée en tête, « faire une bonne carrière ». Avec une telle mentalité, aucun pays ne peut progresser, relever de grands défis. Aux fonctionnaires l’administration. C’est connu. Aux hommes politiques la politique. C’est ainsi que fonctionnent les pays qui dominent le monde depuis toujours. Le Cameroun ne saurait faire exception.

REINTRODUIRE LE MERITE ET LA COMPETENCE AU CAMEROUN

Si, au lendemain de l’indépendance, la politique, ô combien décriée, de l’équilibre ethnique (politique de tribalisme d’Etat s’il en est) a été instaurée avec, pour raison invoquée, « le déséquilibre issu de la colonisation » et qui aurait favorisé, sur le plan de l’instruction, certaines régions du pays au détriment d’autres, 50 ans après l’indépendance, il va sans dire, cette politique devrait, purement et simplement, être abolie. Il faudrait cesser d’opposer, à la compétence, l’ethnie. Ce ne peut être que du nivellement par le bas, à une ère où tous les peuples du monde recherchant l’excellence. Quelle aura été le résultat de cette politique ? L’administration camerounaise s’est retrouvée aux mains de gens aux niveaux épars, quelconques, à la formation intellectuelle approximative, sommaire. Pis encore, même l’école qui était supposée former les dirigeants de la haute administration publique camerounaise n’a pas échappé à cette règle. L’Ecole Camerounaise d’Administration, ENAM, jusqu’à ce jour continue à être dominée par cette logique, à laquelle est venue se greffer la corruption à son concours d’entrée : de 1 à 5 millions de francs cfa la place ! En conséquence, l’administration camerounaise, tout court, s’est retrouvée dominée par la « racaille », comme dirait l’autre. Quoi de surprenant, dans ces conditions, que le Cameroun se soit écroulé, aussitôt que les coopérants français ont définitivement cédé la place aux fonctionnaires français, à l’aube des années 80 ? Car, il ne faudrait, en aucun jour, l’oublier, les Camerounais n’ont pleinement pris en main leur administration qu’à la fin de la décennie 70. L’indépendance était bel et bien là, mais, ce sont les français qui continuaient à tout concevoir, pour la simple raison que les cadres camerounais étaient encore en nombre insuffisant. Les Camerounais étaient, certes, préfets, gouverneurs, secrétaires généraux de ministères, directeurs de services, mais, c’étaient les conseillers techniques français qui faisaient encore tout. A titre comparatif, c’est un peu comme l’Afrique du Sud d’aujourd’hui. Les Noirs sont ministres, ambassadeurs, députés et autres, mais l’administration est encore aux mains des Blancs. L’exemple du Zimbabwe est plus parlant encore. Mugabe ayant brutalisé les Blancs, le pays s’est, tout bonnement, écroulé. C’est ce qui s’est passé au Cameroun avec ces cadres issus de « l’équilibre ethnique » qui se sont mis à remplacer les Français.

REDRESSER L’ECONOMIE

Autre grand chantier qui attend le futur président du Cameroun, celui du redressement de l’économie nationale. Ici, également, même chose. Cela passe par le nécessaire relèvement du niveau de formation de nos hommes d’affaires. Des hommes d’affaires « racailles », ne peuvent faire prospérer une économie. On le voit bien au Cameroun. On le voit bien au Cameroun. Nos hommes d’affaires se plaignent du fait que les banques ne leur accordent pas de crédits. Mais, dans le même temps, ceux-ci oublient de dire que la totalité des titres fonciers de la ville de Yaoundé et de Douala, se retrouvent hypothéqués dans les banques de la place, suite aux crédits qui leur avaient été accordés et qu’ils n’ont pas remboursés. Ces mêmes « hommes d’affaires » ont mis en faillite le FOGAPE. Ils y ont également contractés d’énormes crédits qu’ils n’ont pas remboursés. Ce que l’on met généralement en avant, ce sont les crédits des hauts fonctionnaires et dignitaires du régime. Mais, on passe sous silence ceux des commerçants et prétendus « hommes d’affaires » camerounais, qui sont également colossaux. C’est ainsi qu’il n’existe, pratiquement pas, à ce jour, au Cameroun, un seul « homme d’affaires » qui ne survive que grâce à la mansuétude de l’Etat. Aucun n’est en règle avec le fisc. Même chose avec la CNPS. Ils sont tous, à des degrés divers, des contrebandiers. Ils fraudent, systématiquement, à la douane. Aucune de leur entreprise n’est véritablement rentable, encore moins compétitive. La comptabilité de celle-ci est désespérément hasardeuse. C’est pourquoi le plupart des « hommes d’affaires » de quelle que envergure que ce soit, se sont réfugiés dans le Rdpc. Le parti gouvernemental leur sert, véritablement, de couverture. Notre Chambre de Commerce et d’Industrie, elle-même, n’échappe pas à cette règle. Elle ne peut donner le chiffre, même approximatif, des commerçants de quelle que ville donnée que ce soit du Cameroun. Elle n’en sait simplement rien. La quasi-totalité de regroupements « d’hommes d’affaires » camerounais, ne visent qu’une chose, se transformer en groupes de pression pour faire obtenir d’avantage de marchés publics à leurs membres. Tout comme les séminaires ateliers pour le « renforcement des capacités de ceci ou cela » pullulent dans l’administration publique, il faudrait en faire pulluler, également, pour nos « hommes d’affaires ». Ceux-ci, le moins que l’on puisse dire, ont véritablement besoin de « renforcer leurs capacités ».
Il existe de nombreux autres chantiers très importants qui attendent le futur président de la République. Mais, ceux-ci, il nous semble, sont les chantiers fondamentaux.

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