vendredi 8 février 2008

Conférence à l'Université de Ydé I



« ANDRE-MARIE MBIDA, AHMADOU AHIDJO, LA FRANCE ET L’INDEPENDANCE DU CAMEROUN » : ENOH MEYOMESSE EN CONFERENCE A L’UNIVERSITE DE YAOUNDE I

L’écrivain et homme politique Enoh Meyomesse, a donné jeudi 17 janvier 2008 une conférence à l’Université de Yaoundé I, sur le thème « André-Marie Mbida, Ahmadou Ahidjo, la France et l’indépendance du Cameroun ».

Invité par le Cercle d’Histoire Géographie et Archéologie de l’Université de Yaoundé I, l’écrivain et homme politique Enoh Meyomesse a donné, jeudi 17 janvier 2008, une conférence à l’Université de Yaoundé, sur le thème « André-Marie Mbida, Ahmadou Ahidjo, la France et l’indépendance du Cameroun ». Au cours de son exposé qu’il a ouvert par la conquête du Cameroun, le 27 août 1940, par le colonel Leclerc de Hautecloque, envoyé de Charles de Gaulle et en provenance du Tchad, il a entretenu l’auditoire sur l’évolution politique du Cameroun, de cette date à la démission surprise d’Ahmadou Ahidjo le 6 novembre 1982. Il a, ainsi, revisité l’histoire politique du Cameroun, et de l’Afrique Noire, les relations France-Afrique, sur une période de plus de quarante ans. Il a ainsi mis en exergue le rôle fondamental joué par les anciens combattants dans la conscientisation politique des « indigènes », sur le continent africain, et qui a abouti à la conférence de Brazzaville, au mois de février 1944, au cours de laquelle Charles de Gaulle a énoncé la nouvelle politique coloniale de la France : sauvegarde de l’empire politique français, et réformes politiques en faveur des « indigènes ». Il en est, ensuite, arrivé à la création d’assemblées territoriales en Afrique Noire, et, dans le cas particulier du Cameroun, à la création de l’ARCAM, Assemblée Représentative du Cameroun. C’est à travers cette assemblée au rôle politique limité, qu’André-Marie Mbida et Ahmadou Ahidjo sont entrés en politique. L’un et l’autre se sont fait élire au mois de décembre 1946, Mbida, par le soutien de Louis-Paul Auloulat, et Ahmadou Ahidjo, bénéficiant de celui de l’administration coloniale française. En 1952, à la suite de la transformation de l’ARCAM en ATCAM, Assemblée Territoriale du Cameroun, tous les deux se sont de nouveau retrouvés élus, dans les mêmes conditions. Puis au mois de janvier 1956, André-Marie Mbida a battu Louis-Paul Aujoulat, avec lequel il venait d’être en rupture, à l’élection des députés à l’Assemblée Nationale à Paris, tandis qu’Ahmadou Ahidjo avait été battu par Jules Ninine, un avocat Antillais installé au Cameroun. Le 23 décembre 1956, tous les deux avaient été réélus à l’ATCAM, et, au mois de mai 1957, André-Marie Mbida devenait premier Premier ministre de l’histoire du Cameroun.

MBIDA NE DISPOSAIT PAS DE L’ATOUT POLITIQUE DE SEKOU TOURE EN GUINEE CONAKRY
Mais, bien vite, les choses vont se gâter entre André-Marie Mbida et le gouvernement français. Ce dernier voulait accorder une « certaine indépendance » au Cameroun, c’est-à-dire une indépendance vidée de son contenu, ce à quoi Mbida s’est opposé. Rupture. Eviction de Mbida, remplacement par Ahmadou Ahidjo, son Vice-premier ministre chargé de l’intérieur. Sur ce point, le conférencier a établi un parallèle entre André-Marie Mbida, au Cameroun, Ahmed Sekou Touré, en Guinée Conakry, et Bakary Djibo au Niger. Il a démontré la similitude dans la démarche de ces trois leaders politiques africains de l’époque de l’indépendance, et la différence fondamentale qui existait entre Ahmed Sekou Touré, d’une part, André-Marie et Bakary Djibo, d’autre part. Le Président du Conseil guinéen (Premier ministre), Ahmed Sekou Touré, contrôlait, politiquement et véritablement, le territoire guinéen, tandis que, ni André-Marie Mbida, Premier ministre du Cameroun, ni Bakary Djibo, Président du Conseil nigérien, ne contrôlaient leurs pays respectifs. André-Marie Mbida et Bakary Djibo se trouvant à la tête de coalitions politiques hétéroclites et ô combien fragiles, lorsque, tous deux, se sont opposés à la volonté de la France, ils ont été renversés. Des membres de leurs gouvernements se sont retirés de la coalition, et il ne leur pas été possible d’en former un nouveau, les Hauts-commissaires du Cameroun et du Niger s’y opposant.

AHMADOU AHIDJO OCTROIE LE SOUS-SOL CAMEROUNAIS A LA FRANCE LE 31 DECEMBRE 1958
Une fois André-Marie Mbida mis hors d’état de nuire, il a été aisé pour la France de mettre en œuvre son plan d’une « certaine indépendance » au Cameroun. C’est ainsi que, le 31 décembre 1958, ont été signées les toutes premières « conventions de coopération » entre la France et le Cameroun, non encore indépendant. Autrement dit, il s’est agi de véritables traités inégaux, entre une puissance coloniale, et un gouvernement hissé au pouvoir par celle-ci, à la tête d’un pays étant encore sous son administration. A travers ces fameuses « conventions de coopération », la France s’octroyait, tout bonnement, la totalité du sous-sol camerounais, c’est-à-dire, ce qui était l’essentiel pour elle, et ce pourquoi elle avait conquis le Cameroun en 1916. Au lendemain de cela, elle s’estimait, en conséquence, déjà en mesure d’octroyer l’indépendance au Cameroun, chose qu’elle avait refusé de faire jusqu’à lors. Dès le mois de janvier 1959, elle a ainsi introduit une résolution au Conseil de Tutelle des Nations Unies, fixant la date de l’indépendance au 1er janvier 1960.

LA DICTATURE POUR PRESERVER LES TRAITES INEGAUX DE 1958
Le 1er janvier 1960, en effet, le Cameroun a célébré son indépendance. Mais, ce fut une fête au goût bien amer, la France ayant réussi à écarter du bénéfice du pouvoir les authentiques fils du pays qui s’étaient battus, des années durant, pour celle-ci, et, pis encore, elle l’avait anéantie par avance, à travers les fameux traités franco-Ahidjo de 1958. Les conséquences de cette « certaine indépendance » ne se sont pas fait attendre. Alors que l’indépendance aurait dû se traduire par la liberté pour les Camerounais sortant du joug colonial, celle-ci s’est plutôt transformée en une redoutable dictature sanguinaire, un régime de terreur. Il fallait, en effet, empêcher, à tous prix, que les Camerounais ne disposent des moyens de remettre en cause ces traités inégaux, et à travers ceux-ci, la domination française sur leur pays à l’indépendance déjà proclamée. La tâche était d’autant plus aisée pour les autorités françaises et leur protégé et obligé local Ahmadou Ahidjo, que régnait, dans le pays, le maquis upéciste. Ils se sont réfugiés derrière l’argument de l’éradication de la « rébellion », pour mâter et terrasser la totalité des Camerounais. Ahmadou Ahidjo, pour sa part, a tenu a préciser le conférencier, avait probablement tenu le double pari de se maintenir au pouvoir, indéfiniment, grâce à son énorme concession à la France de décembre 1958, tout en écrasant son peuple, et de développer son pays dans le même temps. Sur ce plan, affirme le conférencier, Ahmadou Ahidjo aura perdu son double pari. D’une part, en 1982, lorsque la France avait estimé que la préservation de ses intérêts, au Cameroun, ne passait plus lui, elle l’a, purement et simplement, remercié, d’autre part, il ne lui a pas été possible de développer le Cameroun ainsi qu’il pensait très sincèrement le faire. Lorsqu’il avait été nommé Premier ministre, par Jean Ramadier, le 18 février 1958, il avait trouvé un pays pauvre, arriéré et agricole. En quittant le pouvoir le 6 novembre 1982, le Cameroun l’était demeuré. Rien à voir avec l’expansion de pays tels que Singapour, la Thaïlande ou la Corée du Sud.

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