L’opposant politique camerounais réagit suite aux mesures économiques prises par Paul Biya à l’issue des événements de février 2008. Pour Meyomesse le président camerounais prépare la population aux élections présidentielles anticipées. Dans une interview accordée à la rédaction de camer.be, Meyomesse appelle ses concitoyens à la vigilance afin que le scénario de 1992 ne se reproduise plus.
Enoh Meyomesse, les proches de Paul Biya expliquent que Etoudi a préparé la réévaluation des salaires dans la fonction publique depuis plus d’un an. Croyez vous toujours à la thèse d’une action d’éclat du chef de l’Etat camerounais?
Je précise qu’il s’agit plutôt de l’augmentation de la dépense publique. Nous ne reviendrons pas sur les affirmations mensongères des propagandistes du régime et selon lesquelles Paul Biya avait donné des « instructions fermes », il y a un an, pour que des mesures soient prises en vue de l’amélioration des conditions de vie des Camerounais et que, comme toujours, par hasard, c’est son « entourage » qui les aurait sabotées. Quand un père de 75 ans continue à se faire berner par son entourage, à supposer que ce soit vrai, il y a problème…
Quel problème et où se situe-t-il ?
15% de hausse sur les salaires et 20% sur l’indemnité logement. Ok. Ce qui équivaut, selon le ministre des finances à une incidence financière de 8 milliards de francs cfa par mois, soit 96 milliards de francs cfa par an. Dans le même temps, le même ministre des finances nous apprend que les recettes de l’Etat vont diminuer de 120 milliards de francs, à cause de la défiscalisation des produits de première nécessité (riz, poisson, blé, farine, huile de table), la diminution du droit de douane sur le clinker (produit entrant dans la fabrication du ciment) importé par Cimencam etc. Nous aboutissons donc à un manque à gagner de 120 milliards de francs, pendant que les dépenses, elles vont s’accroître de 96 milliards de francs, ce qui aboutit à un déficit de 96 + 120 = 216 milliards de francs cfa.
Voulez vous dire que le chef de l’Etat n’atteindra pas ses objectifs?
Où Paul Biya va-t-il trouvez l’argent nécessaire ? Le Premier ministre annonce le recrutement de 14.196 jeunes dans la fonction publique, dès l’exercice budgétaire en cours. Bien mieux, il précise que ces recrutements ne tiennent pas compte de ceux de l’armée, de la police et des services pénitenciers, c’est-à-dire des gardiens de prison. Donc, au totale, il y aura, au minimum, 30.000 recrutés dans la fonction publique ces jours-ci. En termes financiers, si la moyenne des salaires de ces nouveaux employés est fixée à 100.000 francs cfa, on aboutit à une dépense supplémentaire de 30.000 x 100.000 = 3.000.000.000 (trois milliards) par mois, soit, en un an, 36 milliards. Déficit total : 36 + 216 = 252 milliards de francs cfa. Où Paul Biya va-t-il trouver cet argent ?
Comment voyez vous l’avenir après l’augmentation des salaires du personnel de l’Etat et des forces armées?
Celle-ci concerne tous les fonctionnaires, sans oublier les militaires. Faudrait-il commencer par rappeler que ceux-ci n’avaient pas vu leurs salaires diminués au moment où ceux du reste des employés de l’Etat l’avaient été ? On avait ainsi abouti au fait que, un sergent, C.E.P. comme diplôme de base, se retrouvait en train de percevoir un salaire supérieur à celui d’un professeur de lycées, bac + 5, d’un médecin, bac + 7, d’un ingénieur, etc. On a vu les conséquences de cette injustice : la dégradation du service public, par la démotivation du personnel de l’Etat. Paul Biya, à travers sa hausse de salaires, reconduit, purement et simplement, cette situation.
Bien mieux, il continue à ne privilégier que les fonctionnaires, soit, seulement, 200.000 Camerounais. Et le reste ? Les retraités ? Les employés du secteur privé ? Les agriculteurs ? Les commerçants ? Les étudiants ? La crise ne frapperait-elle uniquement que les fonctionnaires ? Bref, il consacre, une fois de plus, sa politique d’injustice sociale flagrante.
Quelle est le dessein du président de la république si tout est décidemment noir pour vous ?
En vérité, tout le problème de Paul Biya est d’amener les Camerounais à l’élire, de nouveau, en fin d’année, à l’occasion des élections présidentielles anticipées qu’il prépare imperturbablement. Il va vider les caisses de l’Etat, pour cela, et après, tant pis, advienne que pourra. Il aura déjà empoché un nouveau mandat. Ce sera toujours cinq années de gagnées. Il est en train, ainsi, de rééditer ce qu’il avait fait en 1992. Il avait vidé les caisses de l’Etat pour se faire réélire. Une fois cela obtenu, une misère effroyable s’était abattue sur les Camerounais, c’est celle-ci qui se poursuit jusqu’à ce jour. A l’époque, Jean-Jacques Ekindi s’était évertué à dénoncer, par avance, cette situation. Mais, personne ne l’avait écouté, encore moins pris au sérieux. Pourtant, il ne faisait qu’annoncer ce qui allait se produire et qui s’est effectivement produit. Après les présidentielles, que les Camerounais le sachent, ils vont se retrouver dans une situation pire que celle qu’ils vivent aujourd’hui. Le futur président de la République, parce que Paul Biya sera battu, aura du très gros pain sur la planche.
© Camer.be : Propos recueillis par Hermann Oswald G’nowa
Paru le 14-03-2008 09:40:17
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