lundi 10 mars 2008

Paul Biya donne raison aux jeunes émeutiers

Enoh Meyomesse , ‘’Paul Biya donne raison aux jeunes émeutiers’’

Le chef de l’Etat camerounais vient de décider du réajustement vers le haut des salaires du personnel de la fonction publique. Une décision qui intervient quelques jours seulement après de violentes émeutes qui ont secouées le pays. Approché par camer.be, Enoh Meyomesse réagit à cette revalorisation salariale. Selon le candidat annoncé à la succession de Paul Biya, cette décision est un couteau à double tranchant puisqu’elle a surpris le principal décideur.

Enoh Meyomesse, quelle est votre réaction à la suite de l’annonce de l’augmentation des salaires des agents de l’Etat dans votre pays ?
Avant de donner notre position par rapport à la hausse des salaires de la nuit d’hier, il importe de relever un fait. C’est bel et bien grâce à ces 1671 jeunes gens qui sont actuellement emprisonnés que cette hausse de salaires a eu lieu. En d’autres termes, sans leur action hardie, il n’y aurait rien eu. Donc, il importe de leur rendre un hommage appuyé. Bien mieux, le président de la République, à travers cette décision, s’empêtre dans une contradiction monumentale. D’un côté, il qualifie ces jeunes gens de « délinquants », d’ « apprentis sorciers », pour ne pas dire de voyous, et les fait jeter, sans ménagement, en prison, d’un autre côté, il se rend compte que, malgré tout, ceux-ci avaient entièrement raison.

Vous voulez dire que les jeunes protestataires ont poussé Paul Biya à réagir ?
En fait, les héros de février, actuellement en prison, ont bousculé le président de la République. La hausse des salaires était un joker qu’il gardait dans sa poche pour le sortir à la veille de l’ouverture de la campagne présidentielle, afin de se faire aimer par les Camerounais. Mais, voilà que des « apprentis sorciers » sont venus perturber ses plans. Il s’est donc trouvé obligé d’abattre cette carte.

Le chef de l’Etat camerounais est donc désormais sans ‘’argument’’ pour 2011 ?
A présent, il (Paul Biya ndlr) va se mettre à chercher une autre carte en remplacement, pour l’élection présidentielle 2011. Quant à la hausse, à proprement parler, il suffit de revenir sur le budget exorbitant du palais présidentiel, 48 milliards de francs cfa, pour comprendre qu’il n’a rien fait d’extraordinaire. Il s’est simplement privé de quelques petits milliards qui traînaient dans ses comptes…

Paul Biya était-il contraint de revaloriser les salaires des agents publics à votre avis ?
Il (Paul Biya ndlr) reconnaît, de manière explicite que la vie était devenue chère au Cameroun, et que ces jeunes gens n’étaient manipulés par quiconque. Sinon, il n’aurait pas procédé à cette hausse de salaires. Ce n’est pas tout ! Les militants du Rdpc ont inondé les ondes de la Crtv de motions de soutien au président de la République, pour avoir jeté ces jeunes gens en prison. Dans le Mfoundi, les propos ont été, tout simplement, xénophobes, et on pourrait les résumer ainsi : « Bamiléké et Haoussa, allez casser ailleurs ».

Qui sont les auteurs de ces déclarations et comment devront-il accueillir le geste présidentiel?
Les auteurs de ces extravagances ? Des pontes du régime, et en même temps, hauts cadres dans la fonction publique. Mais, voilà que, grâce aux Bamiléké et aux Haoussa priés d’aller casser ailleurs, ils se retrouvent avec des salaires en hausse. Ils devraient, pour être conséquent avec eux-mêmes, refuser, purement et simplement de bénéficier de cette hausse, car ils ont combattu les auteurs de celle-ci. Simple bon sens. Tous les militants du Rdpc devraient en faire autant. Ils ont combattu les auteurs de la hausse de salaires, ils devraient donc la refuser. A présent qu’ils vont, de nouveau, inonder les ondes de Radio Cameroun de motions de soutien au président de la République pour avoir pris cette décision, ils devraient aussi lui demander de procéder à une amnistie, pure et simple, des 1671 jeunes gens actuellement incarcérés, qui pour 2 ans, qui pour… 15 !!! La hausse de salaires et leur relaxe doivent aller de pair. Dans le cas contraires, c’est de la tricherie, de la malhonnêteté, et rien d’autre.

© Camer.be : Interview réalisée par Hermann Oswald G’nowa

Paru le 09-03-2008 00:20:32

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