mardi 1 juillet 2008

L'absence de programme politique du Rdpc et la crise actuelle au Cameroun


Qu'est-ce qu’un parti politique sans programme politique, ou avec un programme politique flou ? Rien du tout. C’est malheureusement le drame que vit le Cameroun contemporain, avec le Rdpc, et, ceci, depuis la naissance de son ancêtre, l’Union Camerounaise, le 1er mai 1958 à Garoua, et la transformation de celui-ci en Union Nationale Camerounaise, le 1er septembre 1966.

LES PROGRAMMES POLITIQUES DES PARTIS POLITIQUES CAMEROUNAIS AVANT L’UNION CAMEROUNAISE

Il n’est guère nécessaire de passer en revue la totalité des partis politiques qui ont précédé la naissance de l’Union Camerounaise, UC, à Garoua, en 1958. N’en retenons que les plus représentatifs.

Le programme politique de l’UPC.

Celui-ci est très largement connu. Néanmoins, il importe de le rappeler. « Réunification et indépendance » : tel était-il. Il avait été formulé dès la création de ce parti politique, ou, plus exactement, ce sont ces deux revendications capitales qui ont été à l’origine de sa création. Car, dans la normalité des choses, un parti politique naît à partir d’un courant de pensée, et non à partir de la fortune d’un individu, ou de l’aura de celui-ci.

Le programme politique de l’Upc a été d’une pertinence telle que l’administration coloniale s’est aussitôt, celui-ci connu, dressée contre cette formation politique. On connaît la suite. Emprisonnements, massacres, exil, assassinats, poteaux d’exécution.

Le programme politique du Cameroon National Federation.

Le Cameroon National Federation, CNF, est le parti politique créé par le Dr Emmanuel Endeley, en 1949. Son programme politique, en deux points, se présentait comme suit : 1/- transformation du Southern Cameroons en région autonome distincte du Nigeria ; 2/- réunification du Cameroun.

Le programme politique du Bloc Démocratique Camerounais, BDC.

Ce parti politique que ses nombreux détracteurs avaient appelé, BDC, « Bande de Cons », avait été créé par le colon le plus nuisible qu’avait connu le Cameroun, Louis-Paul Aujoulat. Son programme politique ? Opposition totale et farouche à l’Upc, et, à travers lui, à la réunification et à l’indépendance du Cameroun. Il se formulait ainsi que suit : « intégration du Cameroun au sein de l’Union Française ». Naturellement, il n’évoquait nullement la question de la réunification du Kamerun, pour une raison très simple : en sa qualité de parti politique créé par un Français et pro-français, il ne faisait que promouvoir la politique française au Cameroun. Celle-ci, au sujet de la réunification, consistait à une opposition farouche, car contraire aux accords franco-britanniques du 4 mars 1916 sur le partage du Kamerun. Parmi les membres les plus célèbres, par la suite, de ce parti politique, on peut citer ceux-ci : Ahmadou Ahidjo, futur président de la République, Charles Onana Awana, futur ministre, secrétaire général de l’UDEAC, Benoït Bindzi, futur ministre et ambassadeur du Cameroun, Jean Faustin Bétayéné, futur ministre et premier DG de la SNI, Fouda André, futur ministre et inamovible maire de Yaoundé, etc.

Le programme politique du Kamerun National Democratic Party, KNDP.

Ce parti politique créé par John Ngu Foncha, après une scission d’une CNF, avait pour programme politique, naturellement, la réunification du Cameroun. Foncha, au départ, avait une politique neutre, sur la question de savoir si le Southern Cameroons devait intégrer le Nigeria, ou s’il fallait qu’il reconstitue le Kamerun, avec la partie sous domination française de notre patrie. Par la suite, il a tranché ce débat, et est devenu pro-reconstitution du Kamerun, c’est-à-dire, pro-réunification, pendant que le Dr Emmanuel Endeley, pour sa part, devenait, carrément, pro-intégration au Nigeria.

LE PROGRAMME POLITIQUE DE L’UNION CAMEROUNAISE, UC.

Ce parti, créé par Ahmadou Ahidjo, après que ce personnage eut été nommé Premier ministre par Jean Ramadier le 18 février 1958, a eu un programme politique en trois points : 1/- Unité camerounaise ; 2/- nation camerounaise ; 3/- coopération franco-camerounaise. Remarque importante. Ce programme politique n’était que la redite du discours d’investiture lu, par Ahmadou Ahidjo, le 18 février 1958, devant l’Assemblée législative du Cameroun, ALCAM, et rédigé, à son intention, par son protecteur et bienfaiteur, Jean Ramadier, Haut-commissaire de la République française au Cameroun. C’est pourquoi, il ne fait allusion, nullement, aux problèmes politiques de l’heure, à savoir, la réunification du Cameroun, d’une part, et l’indépendance nationale. En fait, il détourne les Camerounais, vers d’autres préoccupations, celles qui n’offusquent pas les Français, ne portent pas atteinte à leur domination et exploitation de notre pays. Il insinue que le retard de développement du Cameroun serait la conséquence de son manque d’unité. Mensonge grotesque. D’une part, les Camerounais étaient unis, au moment de sa création, d’autre part, si le Cameroun était sous-développé en 1958, c’était à cause de l’exploitation effrénée du pays et l’abâtardissement de sa population qu’entraînait le colonialisme français. Son silence sur le problème de la réunification s’explique par l’hostilité de la France sur cette question, tout comme l’était la « Bande de cons ». Cette idéologie anti-nationale de l’Union Camerounaise, s’imposera par la violence, aux Camerounais qui, naturellement, la rejetaient. D’où la dictature féroce qui s’est abattue, sur le Cameroun, au lendemain de la naissance de l’UC, c’est-à-dire après le 18 février 1958.

LE PROGRAMME POLITIQUE DE L’UNION NATIONALE CAMEROUNAISE

C’est en 1966, plus précisément, le 1er septembre, que l’Union Camerounaise s’est transformée, par absorption forcée des partis politiques du Cameroun occidental, ceux du Cameroun oriental ayant déjà été sabordés par l’emprisonnement de la totalité de leurs leaders politiques, en Union Nationale Camerounaise, UNC. Ainsi, le terme utilisé pour désigner l’UNC, et qui était, « parti unifié », n’est qu’en partie vrai. Il y a eu, effectivement, unification avec trois partis politiques du Cameroun occidental, le KNDP, Kamerun National Democratic Party, de John Ngu Foncha, le CUC, Cameroon United Congress, de Salomon Tandeng Muna, et le CPNC, Cameroon People Nationale Congress, mais, il importe d’insister sur ce point, par l’intimidation. Quiconque se serait opposé à la décision d’absorption de son parti par celui d’Ahmadou Ahidjo, aurait été, purement et simplement, jeté en prison, ainsi que l’avaient été tous les leaders politiques du Cameroun oriental qui l’avaient fait, et dont les principaux étaient, André Marie Mbida, Marcel Bebey Eyidi, Théodore Mayi Matip, Okala Charles.

Pour ce qui est du programme politique, l’Union Camerounaise en a eu plusieurs. Tout d’abord, elle a hérité de celui de l’UC, en 1964, à savoir, le « socialisme africain ». C’était une pâle imitation du programme « socialiste » de Léopold Sédar Senghor, au Sénégal. Après 1966, Ahmadou Ahidjo s’est aperçu du caractère incongru de ce programme politique, lui, un féodal musulman du Nord, anti-communiste jusqu’au bout des ongles, il l’a aussitôt abandonné. Il en a inventé un autre : « le développement auto-centré ». Après avoir cassé les oreilles aux Camerounais avec ce baragouin pendant une décennie, il lui a rajouté un autre mot de charabia : « endogène ». Il est donc devenu : « développement auto-centré et endogène ». Il a estimé que ce n’était pas suffisant. Il a rajouté une autre phrase sans signification à ce charabia : « auto-entretenu ». Le programme politique de l’UNC est ainsi devenu : « développement auto-centré, endogène et auto-entretenu ». Qu’est-ce cela voulait bien dire ? Lui seul le savait. Toujours est-il que, tous les discours, au Cameroun, pendant les dernières années de règne d’Ahmadou Ahidjo n’avaient plus fait que répéter ce concept vide de contenu.

Mais, au-delà de tout ce galimatias, le véritable programme de l’UNC était demeuré le 3ème point de celui de sa mère l’UC, à savoir : coopération franco-camerounaise. Traduction, tout doit partir de Paris, les intérêts de celui-ci doivent primer sur tous les autres, y compris ceux du Cameroun. Lorsque Ahmadou a commencé à essayer de vouloir rompre s’émanciper de cette politique, notamment par l’attribution du contrat de la création de la télévision aux Allemands, au détriment de la France, des visites tous azimuts dans d’autres pays européens, Belgique, Espagne, Angleterre, etc, on a vu ce que cela lui a coûté, il a été convoqué à Paris, et le 4 novembre 1982, il est venu annoncer aux Camerounais médusés, son limogeage par la France.

LE PROGRAMME POLITIQUE DU RDPC

Le 25 mars 1985, le successeur d’Ahmadou Ahidjo, Paul Barthélemy Biya’a bi Mvondo, transforme, par le nom, pas par le contenu, l’Union Nationale Camerounaise, UNC, en Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, RPDC. Etant donné qu’il est en rupture verbale avec l’homme qui l’a fait roi, il change aussi, par le nom, uniquement, le programme politique de l’UNC devenu RDPC. Celui-ci devient le « libéralisme communautaire ». Un livre entier y est consacré. Véritable chef-d’œuvre de littérature insipide et ennuyeuse, le lecteur de cet ouvrage doctrinaire doit se forcer, véritablement, pour en lire la centaine de pages qui le constituent. Et après cet exercice fastidieux, il en sait moins sur le « libéralisme commu-nautaire » qu’il n’en savait avant. Bien vite, cet ouvrage que s’étaient empressés d’acquérir de très nombreux Camerounais, s’est mis à finir ses jours, d’une part, derrières les armoires où il était exposé, après en être tombés, d’autre part, sur les trottoirs des libraires du poteau, pour ne pas dire dans les caniveaux. Pour tout dire, de cette littérature, les Camerounais n’ont rien compris. Non pas qu’ils seraient des cancres, mais, bel et bien, parce que le livre est, tout bonnement, vide. Son auteur, lui-même, à savoir le président de la République, en a fait de même. Il n’en a pas cité bien longtemps le contenu. Il est passé à autre chose, c’est-à-dire, à rien. Actuellement, bien malin qui pourrait dire quelle est le programme politique du Rdpc. Il n’en existe, tout simplement, pas. C’est le président de la République qui, d’une année à l’autre, invente de nouveaux thèmes : « modernité », « grandes ambitions », etc. C’est donc le règne du pilotage à vue qui prévaut, en ce moment, au Cameroun. Malheureusement, l’histoire de l’humanité ne fournit aucun exemple de pays, nous tenons à insister sur « aucun », qui soit sorti de la crise, de la misère, avec un parti politique au pouvoir, sans programme politique, à l’instar de celui qui gouverne notre pays aujourd’hui. Bien mieux, la même histoire de l’humanité nous apprend, plutôt que ce type de parti est là pour détruire totalement un pays. C’est ce qui s’est passé en Haïti, avec Jean-Claude Duvalier, au Zaïre, avec Joseph-Désiré Mobutu, en Centrafrique avec Jean-Bedel Bokassa, en Guinée Equatoriale avec Macias me Nguema Biyogo, etc. En conséquence, penser que le Rdpc soit en mesure de relever de quelle que manière que ce soit le Cameroun, d’en faire un pays respecté, ne serait-ce qu’en Afrique, pour ne pas parler du monde, est un immense leurre…

Aucun commentaire: