Le rapt de notre sous-préfet et d’officiers de notre armée tout récemment à Bakassi, vient, une fois de plus, poser le problème, ô combien crucial, de la crédibilité, à la fois de notre pays, que de notre armée nationale, sur le plan sous-régional. Bien mieux, il vient mettre à nu les carences de notre gouvernance, c’est-à-dire du régime en place, et surtout, de sa diplomatie. Tout Camerounais patriote, ne peut que, légitimement, s’en offusquer profondément.
LES BANDITS ONT UNE NATIONALITE
Qui a opéré le rapt et l’assassinat de notre sous-préfet et de nos officiers à Bakassi ? La réponse du gouvernement est toute simple : « des bandits ». Traduction, des individus incontrôlables, qui n’agissent que par eux-mêmes. N’existe-t-il pas de bandits au Cameroun ? Notre gouvernement les contrôle-t-il ? Celui-ci peut-il être tenu responsable de leurs exactions ? Telle est l’argumentation qui sous-tend la réponse faite par le chef d’Etat-major des armées, en lieu et place d’une déclaration officielle émanant de notre gouvernement. Mais, dès lors que ce dernier n’y a opposé aucun démenti, cette opinion devient, d’office, celle du gouvernement lui-même. Il l’endosse automatiquement.
Cette réponse, malheureusement, ne saurait être satisfaisante, et apparaît, ni plus ni moins, comme désinvolte. « Les bandits les ont kidnappés et tués, que voulez-vous que nous fassions ? », telle est sa traduction concrète. Elle ne peut, en aucune manière, nous satisfaire. Les bandits, quels qu’ils soient, sont dotés d’une nationalité. Dès lors que des voyous franchissent la frontière de leur pays et vont opérer de tels actes derrière celle-ci, qui plus est, en territoire ennemi, et s’évanouissent dans la nature, en fait, retournent dans leur pays d’origine, nous ne pouvons plus nous contenter de l’argument selon lequel, ce sont des individus que nul ne contrôle. Nous sommes obligés de nous en remettre à leur nationalité, c’est-à-dire à leur gouvernement. Imagine-t-on des bandits camerounais perpétrant des meurtres par-delà cette même frontière à Bakassi, y assassinant des autorités administratives et des officiers de l’armée nigériane, sans que le gouvernement nigérian ne réagisse ? Impossible. Et il aurait raison de se mettre en colère. Mais, pour ce qui concerne le nôtre, ces meurtres ont été classés dans le compte, déjà grandement fourni, des pertes et profits du voisinage nigérian.
Nous ne pouvons admettre cela. Bien mieux, nous en sommes à nous poser une série de questions ; 1/- dans quel intérêt des bandits nigérians viendraient-ils assassiner des officiels camerounais ? 2/- Bakassi n’étant pas le delta du Niger, ces prétendus bandits seraient-ils une génération spontanée, dès lors que, d’une part, on n’en a jamais entendu parler par le passé, d’autre part, nul, à ce jour, n’a revendiqué cet assassinat, et, enfin, les bandits qui opèrent dans le delta du Niger, eux, opèrent des rapts suivis de revendications politiques ? 3/- le gouvernement nigérian, ou alors celui de l’Etat frontalier de Bakassi, ne trouverait-il pas quelque intérêt à mener une guérilla à l’administration camerounaise qui doit se déployer sur le terrain ? 4/- cet assassinat d’officiels camerounais n’est-il pas le prélude à d’autres assassinats à répétition d’officiels camerounais à Bakassi, histoire de décourager les fonctionnaires et les militaires camerounais à s’installer en ces lieux ? On le voit, nous ne saurions nous contenter de la thèses des bandits. Celle-ci vise, tout bonnement, à classer cette affaire. Nous, nous disons, non.
UNE SERIE DE MALADRESSES ET D’INSUFFISANCES
En vérité, le dossier de Bakassi est le genre de dossier encombrant que le gouvernement camerounais, depuis toujours, n’a aps su gérer. Tout a commencé par la guerre du Biafra à l’époque d’Ahmadou Ahidjo. Il n’était nullement dans l’intérêt du Cameroun de soutenir le gouvernement central, dirigé par Yakubu Gowon, ainsi que s’était attelé à le faire Ahmadou Ahidjo. Il était plutôt de l’intérêt du Cameroun de rester neutre dans ce conflit. La raison ? Une victoire du Biafra, dans la guerre de sécession, aurait été avantageuse pour nous, dès lors que nous nous serions retrouvés avec un Etat voisin moins puissant à nos frontières, à la place du matodonde actuel qu’est la République férédale du Nigeria. Mais, Ahmadou Ahidjo a agit d’avantage par tribalisme que par réalisme politique. Il n’a nullement privilégié l’intérêt du Cameroun. Il avait, du reste, pris sa décision sans consulter quiconque. Il n’y avait eu aucun débat préalable à l’assemblée nationale. C’est connu, les dictateurs prennent des décisions tout seuls, sinon ils ne seraient pas des dictateurs. La guerre du Biafra avait eu pour origine immédiate, le massacre de milliers de Biafrais par les Haoussa, dans le Nord du Nigeria. En riposte, une année plus tard, Odumegu Ojuku avait proclamé la sécession de l’Etat du Biafra. D’où le guerre. En quoi le Cameroun était-il concerné dans cette boucherie ? Grâce au Cameroun, qui avait, officiellement, fermé ses frontières terrestres et maritimes au Biafra, mais, en réalité, utilsé son armée en renfort à celle du gouvernement central, la sécession biafraise s’est soldée par un échec. Ce soutien du Cameroun à la préservation de l’unité du Biafra, aurait dû se traduire par une profonde gratitude de la part du Nigeria envers notre pays. Mais, tel a-t-il été le cas ? Le conflit de Bakassi n’est-il pas une illustration éloquente de l’ingratitude nigériane ? Ahmadou Ahidjo avait agi par sentiments, les Nigérians les lui rendent-ils, aujourd’hui ? La responsabilité d’Ahmadou Ahidjo est considérable dans le bourbier que constitue Bakassi à ce jour, pour le Cameroun.
PAS DE POURPARLERS DE PAIX SANS GUERRE VERITABLE
Après le départ d’Ahmadou Ahidjo, le régime du renouveau n’a guère fait mieux. Lors de la première attaque nigériane de Bakassi, au tout début de la crise, les soldats camerounais sur le front, ont attendu, en vain, l’ordre de riposter. Le pouvoir, à Yaoundé, s’est lancé dans les interminables réunions et atermoiements dont il a le secret, et les troupes nigérianes ont continué à avancer, inexorablement, puis à s’installer confortablement sur notre sol. Finalement, l’ordre de riposter n’est jamais venu de Yaoundé. Tout ce qui a été demandé à nos soldats, a été de contenir les troupes nigérianes, c’est-à-dire de tout entreprendre, uniquement, pour stopper leur progression, mais, pas de les déloger du sol camerounais. Or, nos soldats en avaient bel et bien les moyens. Puis, le gouvernement camerounais a choisi la voie de la diplomatie. Ce faisant, il a commis une erreur politique grave : la diplomatie, en cas de conflit, ne doit intervenir qu’après un cessez le feu consécutif à une rude bataille. Il aurait fallu livrer une guerre intense d’au moins un mois entier, contre le Nigeria, avant de passer à la phase diplomatique. Tous les stratèges du monde entier sont unanimes sur ce point. Pas de diplomatie, c’est-à-dire de pourparlers de paix, sans véritable guerre. En d’autres termes, le Cameroun a mis la charrue avant les bœufs.
Bien mieux, dans cette voie diplomatique, le Cameroun n’a pas su utiliser toutes les cartes qu’il détenait entre ses mains. Par exemple, le Cameroun n’est nullement parvenu à rallier à sa cause, les pays de la CEMAC. L’un d’eux a même été récupéré par le Nigeria. Il s’agit de la Guinée Equatoriale. Le Nigeria l’a poussé à déposer une plainte contre nous, pour fragiliser notre position face à lui, mettant de côté tous les rapports de bon voisinage qui avaient existés jusque-là avec le Cameroun. En fait, Teodoro Obiang Nguema a agi en homme d’Etat conséquent qui défend, avant tout, les intérêts de sa patrie. Ce que Ahmadou Ahidjo n’était pas parvenu à faire en 1967, lors du déclenchement de la guerre du Biafra.
Le Cameroun disposait d’une autre carte extrêmement précieuse, face au Nigeria. Il s’agit du désir de notre ennemi d’obtenir un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le Cameroun avait la possibilité de contre-attaquer sur le plan international, en menant une campagne basée sur le fait que, le Nigeria ne pouvait prétendre à une telle position politique sur le plan mondial, dès lors que son armée avait envahi le territoire d’un pays voisin, et y était installée. Il fallait qu’au préalable, Abuja opère un retrait de celle-ci, pour être en mesure de prétendre siéger dans cette haute instance de maintien de la paix, sur le plan mondial, qu’est le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Mais, le Cameroun a, tout bonnement, laissé filer entre ses doigts, cette aubaine inespérée.
LE CAMEROUN NE S’EST JAMAIS MIS EN COLERE CONTRE LE NIGERIA
Depuis le déclenchement de ce conflit de Bakassi, le Cameroun n’a jamais montré sa colère. Il n’a fait que raser, de bout en bout, les murs, et rien d’autre. Etant donné qu’il a choisi la voie diplomatique, il avait ainsi plusieurs possibilités à sa disposition. 1/- Il aurait pu rompre les relations diplomatiques avec le Nigeria. Il ne l’a pas fait. Pour quelle raison ? Comment savoir ? L’histoire de l’humanité ne fournit aucun exemple de pays qui soit parvenu à maintenir des relations diplomatiques avec un autre qui occupe son territoire. Il n’existe aucun exemple de ce type, tout au long de l’histoire des relations internationales. 2/- Il aurait pu, au moins, rappeler notre ambassadeur de Lagos. Habituellement, dès que les troupes d’un pays franchissent la frontière d’un autre pour s’installer sur son territoire, la première des choses qui se produit, inévitablement, est le rappel de l’ambassadeur du pays qui a été envahi, et qui est accrédité auprès du pays envahisseur. Yaoundé ne l’a même pas fait. Que craignions-nous ? Nous étions déjà en guerre. 3/- Le Cameroun aurait pu fermer ses frontières avec le Nigeria. Nous ne l’avons pas non plus fait. 4/- Le Cameroun aurait pu demander le départ de tous les Nigérians résidants sur son sol. Nous ne l’avons également pas fait. Bref, nous n’avons rien fait du tout qui fut de nature à prouver notre colère. En procédant à l’expulsion de tous les Nigérians installés au Cameroun, soit plus de 5 millions d’individus, cela aurait mis le gouvernement de Lagos en péril. Cela aurait même posé un véritable problème sur le plan international. 5 millions d’expulsés, ce n’est pas aisé à gérer. Naturellement, le Nigeria aurait procédé de même, mais, combien sommes-nous là-bas ? Atteignons-nous simplement 500.000 âmes ? Pas du tout. Alors, que craignions-nous ?
Sur le plan militaire, nous n’avons non plus montré notre colère. Le Nigeria aurait appris que le Cameroun a déjà amassé plus de 10.000 soldats à Bakassi, qu’il aurait changé d’opinion. Mais, cela également, nous ne l’avons pas fait. Notre attitude à consisté à cajoler, systématiquement, le Nigeria, de bout en bout. Au final, ce dernier ne coopère toujours pas.
DES ACTES POLITIQUES SYMBOLIQUES
Sur le plan purement politique, et non plus diplomatique, une simple visite du chef de l’Etat camerounais à Bakassi, aurait considérablement marqué les esprits, à la fois au Nigeria et au Cameroun. Mais, rien n’a été fait dans ce sens depuis que ce conflit existe. Une fois la nouvelle du rapt d’officiels camerounais, dernièrement, connue, le chef de l’Etat camerounais aurait dû, logiquement, interrompre ses vacances en Suisse, et rappliquer, le lendemain, au Cameroun, pour se rendre, aussitôt, à Bakassi. Rien du tout. Il a poursuivi, tranquillement, ses vacances, et n’est retourné au Cameroun que pour le sommet de la CEMAC. Traduction, « au diable Bakassi ! ». On a vu Georges Bush en Irak, auprès de ses troupes. On a vu le vice-président américain en Irak, auprès des troupes américaines. On a vu le ministre de la défense des Etats Unis en Irak, auprès des troupes américaines. On a vu le ministre des affaires étrangères américain en Irak, auprès des troupes américaines. A quand la visite du ministre de la défense du Cameroun à Bakassi ? A quand la visite du ministre de l’administration territoriale à Bakassi ? Pourquoi tout ce monde ne s’y rend-t-il pas ?
TSAHAL FAIT PEUR
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